Trois Livres
«Le Monde De Sophie», de Jostein Gaarder, est le premier livre de philosophie que j’ai lu, en 2007, impatient que j’étais de découvrir ce qui m’attendait en Terminale l’année d’après. Un fantastique livre d’introduction à la philosophie (occidentale), qui nous invite, un peu à la manière d’Alice au pays des merveilles, à suivre les aventures d’initiation de la jeune Sophie, 14 ans. C’est armé de ces aventures romanesques que j’attaque, confiant, la matiere l’année suivante. Quelle ne fût pas ma surprise quand, après avoir reçu validation verbale par la professeure, de mon angle d’attaque sur un sujet de contrôle qu’on était en train de corriger, que je me retrouve avec un huit sur vingt. Conclusion logique d’un adolescent de dix huit ans: «la philosophie ne sert a rien, ses enseignants ne peuvent même pas se mettre d’accords avec eux-memes de toutes facons». C’est ainsi que j’ai abandonné tout contact volontaire avec la philosophie, dont le dernier aura été «Le Monde De Sophie».
Ce n’est qu’en 2017/2018 que je reprends contact avec elle. Mais cette fois, mon objectif était tout autre: la philosophie a-t-elle des applications dans la vie réelle? Autrement dit, existe-t-il une philosophie pratique?
Je me souvenais que Marx avait été mentionné dans les derniers chapitres de Sophie, et d’une facon ou d’une autre, il était de nouveau d’actualité à ce moment la. Je voulu en savoir un peu plus sur ce Sovietique, père du communisme. Mais…Quoi? Marx n’était pas un économiste? Quoi? Comment ça il n’était pas Russe? Tels sont les nombreux préjugés que j’avais en tête vis-à-vis de l’auteur, que, je pense, partagent un grand nombre de personnes. Je découvrais de nouvelles choses que j’ignorais sur le personnage tous les jours, jusqu’au jour ou j’ai décidé de lire son oeuvre phare: Le Capital. Il m’aura fallu une année entière et plusieurs séances de lecture de groupe avec d’autres enthousiastes, pour digérer le contenu dense de cet ouvrage, spécialement les tout premiers chapitres. L’ambition du philosophe Marx, était de produire une analyse du système capitaliste, qu’il trouvait fascinant, mais incomplet et voué à l’échec, du fait de son exacerbation des injustices déjà établies dans la société. Ensuite il pourrait décrire comment passer de cet état transitoire a son accomplissement plus juste, le communisme. Chaque page de ce livre du 19ème siècle décrivait l’état de la societe en 2017, applicable y compris, et surtout, à la categorie professionnelle qu’on nomme en France «Cadres». Encore plus marquant pour moi, alors employe dans une societe qui a fait du logiciel libre son atout de référence dans sa conquête du marché, car je pouvais voir au fil des pages a quel point ce mouvement du logiciel libre était equivalent a la communaute des moyens de production qui a donné son nom au Communisme. Experience marquante, donc, de par l’actualité de ses analyses. On en viendrait à se demander pourquoi le «Capital» de Marx n’est pas plus recommandé qu’il ne l’est aujourd’hui. Dans tous les cas, je recommande avec force sa lecture. Le livre est intéressant pour tout le monde, quelle que soit la préférence politique ou économique. L’audience à laquelle je le recommande le plus est le jeune cadre récemment diplomé. Je l’ai personnellement découvert un peu plus tard, et en aurait probablement mieux profité si je l’avais découvert avant.
Marx est intense, et peut paraitre sérieux, beaucoup trop serieux. Mais il y a d’autres livres de philosophie pratique qui apportent une touche de légèreté, sans abandonner le serieux et en delivrant de puissants messages. Dans cette catégorie, je classe la collection Incerto de Nassim Taleb, que j’ai découvert récemment, au cours de l’année que j’ai personnellement désigné comme étant l’année du hasard. Incerto discute principalement de questions épistemologiques, au premier rang desquelles le probleme de l’induction, ou comment elaborer des théories sur le monde à partir de son observation. On y trouve des pépites comme la definition du hasard comme étant une manifestation de notre ignorance et de la fragilité de notre connaissance. Pépite car cette simple réalisation est extrêmement libératrice, surtout pour un esprit avec des tendances encyclopédiques comme le mien. La libération vient de la réalisation qu’un simple contre exemple peut détruire des décennies d’accumulation attentionnée de connaissances. Une fois cette réalisation faite, on comprend qu’il faut savoir laisser faire le hasard, et s’y exposer tout en s’assurant d’éviter les situations qui mèneraient à notre ruine, financière ou vitale, selon les objectifs de chacun. Ces leçons cruciales ont un florilège d’applications, que je n’ai eu de cesse d’explorer et de confirmer en les incluant dans mon style de vie. Un exemple particulierement frappant qui a eu un impact considérable sur ma sante est la pratique du jeune intermittent, en combinaison avec de longues heures de jogging à très faible intensité, parsemé de courtes séquences sprints sur collines montantes. Les résultats, au bout d’un an de pratique religieuse, ont été un remplacement de gras sous-cutané excessif par plus de muscles, résultant à une perte généralisée de poids, quasiment sans effort, et une capacité cardiaque d’un niveau quasiment athletique. Incerto contient tellement de pépites que je ne sais pas encore par quel bout le prendre pour relayer ses messages avec mes propres mots. Ca doit certainement être que je ne les ai pas encore tous compris, mais je continue d’y travailler. Dans la série de livres, on trouve (non exhaustif):
- «Fooled By Randomness»: ou comment nous attachons souvent de la compétence la où c’est en réalité plus souvent le hasard
- «The Black Swan»: sans doute l’un des livres les plus connus de la collection, où cause entre autres de ses prémonitions apparentes de la crise financière de 2008/2009, alors qu’il ne faisait qu’énoncer ce qui pourrait aller très mal
- «Antifragile»: une autre pièce maitresse, explorant le domaine des choses qui beneficient de l’incertitude comme le coeur (antifragiles) au lieu de se briser a cause d’elle (fragiles) comme la répression d’un peuple dissident.
Incerto occupe le rang d’oeuvre philosophique ou technique ayant le taux d’applicabilité dans la vie réelle le plus élevé parmi les livres et collections que j’ai rencontrés. Je ne peux pas le recommander assez.
Le triptique présenté ici: Le Monde De Sophie, Capital et Incerto, ont largement contribué à la formation de mon esprit critique, et littéralement à l’amélioration de ma santé physique, conséquence assez inatendue. Je ne peux que souhaiter qu’ils aient le même effet sur d’autres. Bonne lecture !